Voyage en Italie, les Pouilles du 1er au 5 juin
Nous voilà partis à nouveau pour l’Italie, mais cette fois vers le talon de la botte, dans les Pouilles, le long de la côte Adriatique. C’est une région à la fois maritime et terrestre, sans hautes montagnes, totalement différente du reste de l’Italie. C’est une région d’oliviers, de vignes et d’amandiers. Mais c’est surtout une région qui, de tout temps, a été un point de contact entre l’Orient et l’Occident. Son histoire et sa culture ont été marquées par la présence de nombreux peuples au grand rôle civilisateur.
Ainsi, Grecs, Romains, Byzantins, Arabes, Normands, Souabes, Espagnols y ont laissé leurs traces. Avec ses châteaux, ses tours, ses cathédrales et ses monuments bâtis dans les styles les plus divers, ce territoire a vu naître une véritable culture de la pierre, dans une lumière et des couleurs particulières.
Premier jour : Alberobello.
Pour aller de Toulouse à Bari, il faut passer par Munich : logique ! Nous atterrissons donc à Bari et partons aussitôt vers Alberobello, dans la vallée d’Itria : vignobles, oliviers, amandiers et trulli. Un trullo est une construction de pierre sèche à la toiture conique en pierres plates et grises ; elle rappelle les maisons en « pain de sucre » de la région d’Alep en Syrie. Le trullo est directement érigé sur la roche. Dessinée sur un plan circulaire ou carré, chaque pièce correspond à une pièce d’habitation. Elles sont surmontées d’une voûte à encorbellement destinée à supporter le toit conique. Du sommet, se détachent des pinacles aux formes différentes. On n’en connaît pas exactement la signification (magique, religieuse, astrologique, ornementale ?), de même que les symboles (conjuratoires ?) qui sont peints à la chaux sur les toits. Une légende dit que ces trulli devaient pouvoir être très vite démontés en cas de visite de l’inspecteur des impôts pour ne pas payer la taxe d’habitation ! (à méditer…)
Deuxième jour : Matera, Ginosa.
Nous partons pour Matera qui sera ville européenne de la culture en 2019. Les habitants s’y préparent déjà et on a commencé à installer un décor de bois peint recouvert de milliers d’ampoules. De plus, nous arrivons un jour de fête quasi nationale avec défilé militaire de bersaglieri, discours et fanfares. Mais que cela ne nous empêche pas de visiter une partie de la ville époustouflante : les Sassi.
Qu’est-ce que cela ? Les Sassi sont des logements rupestres creusés dans le tuf du plateau de la Murgia. Dès le néolithique, ces grottes naturelles ont servi de refuge avant d’être aménagées, agrandies, réaménagées, abandonnées. Au VIIIe siècle, les Sassi sont investis par les moines anachorètes fuyant l’empire d’Orient et la répression des Sarrasins. Le tuf est creusé et ainsi se développe toute une architecture souterraine dont l’agencement et la décoration révèlent cette influence byzantine. On dénombre pas moins de 130 églises rupestres.
Aux XIXes et XXes siècles, les Sassi forment un lacis inextricable de ruelles, d’escaliers et de maisons superposées de sorte que les toits servent de rues ! Mais ces logements restent insalubres pour une population de plus en plus pauvre. Dans les années 1950, ils sont abandonnés au profit d’habitations plus modernes et plus saines.
Les années 1980 voient la réhabilitation des Sassi et la population peut désormais y vivre.
Nous visitons la Casa Grotta di Vico Solitario : léguée par une famille de paysans, la maison-grotte a conservé tout le mobilier et les objets de la vie courante de ses anciens propriétaires. On peut y admirer de très belles voûtes en berceau.
Nous entrons aussi dans l’église Santa Lucia alle Malve. Cette chapelle contient deux magnifiques fresques byzantines du XIIIe : la Madonna del Latte et Saint Michel Archange.
Avant de déjeuner nous nous arrêtons dans un petit magasin où on nous fait déguster des petits toasts délicieux : pesto basilic et tomates séchées (succulent), pâte de pistaches sucrées, miel à la truffe (poivré), poivrons séchés coupés en rondelles et frits.
Après le déjeuner, nous partons pour Ginosa, petite ville tranquille après la foule de Matera. Nous parcourons des rues calmes bordées de maisons patriciennes des XVIIIe et XIXe qui mériteraient d’être réhabilitées pour aller jusqu’au château normand en nous arrêtant dans un petit musée d’arts populaires et chez un tailleur qui fait des chemises sur mesure (tissus et confection superbes !). Cette petite ville semble être le décor tout droit sorti d’un film d’Olmi ou de Pasolini !
Troisième jour : Massafra, Lecce.
En route pour Lecce, nous nous arrêtons à Massafra. Un profond ravin traverse le centre-ville ; ce ravin présente de nombreuses crevasses dans un relief karstique.
Malheureusement, nous ne pouvons visiter le château, fermé pour cause de travaux ! Nous nous contentons de l’église baroque Saint Benoît. Et il va falloir nous habituer à l’architecture des églises baroques jésuites ! Nous visitons d’abord le château de Charles Quint, imposante et massive forteresse érigée au coeur de la ville pour la protéger de la forte menace exercée par les Turcs.
Aujourd’hui, l’édifice connaît une seconde jeunesse avec l’installation d’expositions d’art contemporain qui attirent un public varié. Au centre, la Piazza Sant’Oronzo décèle les vestiges d’un amphithéâtre romain. Puis, nous arpentons le centre historique de la ville qui montre une unité architecturale assez spectaculaire. C’est là qu’on comprend vraiment ce que pouvait être l’art baroque des XVIIe et XVIIIe. Les églises regorgent d’autels au décor exubérant et de colonnes tourbillonnantes. Les ruelles sans ombre serpentent parmi les palais de grès jaune éclairés par des massifs de bougainvillées. C’est sous la domination espagnole que l’art baroque explosa à Lecce, ce qui explique le grand nombre de façades d’église jésuites.
Et nous terminons notre promenade par la Piazza del Duomo : encadrée par les façades de la cathédrale, du palais Vescovile et du séminaire. La cathédrale a deux façades : l’une, somptueuse, est ornée d’une statue de Saint Oronce ; et l’autre, plus ancienne, est aussi plus austère.
Là, nous allons récupérer nos bagages dans le bus, car il ne peut pas nous transporter jusqu’à l’hôtel. On se serait cru un mai 68 : cars de CRS avec casques et boucliers, police municipale avec fusils et gilets pare-balles, et même la douane ! Mais que se passait-il. On nous a tranquillement laissé passer avec nos valises, sans rien nous demander, comme si nous n’existions pas ! Et un peu plus loin, voilà qu’arrivait vers nous une immense manif : quelques familles avec enfants et poussettes, portant des pulls blancs indiquant qu’ils étaient contre la vaccination obligatoire pour les enfants ! Étonnant : il y avait plus de policiers que de manifestants !
Quatrième jour : Gallipoli, Galatina et Nardo.
En route pour Gallipoli, la « belle cité » en grec. Cette ville de style oriental avec ses ruelles et ses maisons colorées est édifiée sur un îlot dans le golfe de Tarente. Elle est entourée de longues plages de sable fin. Nous y voyons la cathédrale Santa Agata qui présente une façade très contrastée : sobre et presque dépouillée dans son registre inférieur, elle devient baroque sur la partie supérieure. Le long de la plage se dresse l’église de la Purità dont l’intérieur décoré de stucs fastueux présente d’intéressantes toiles du XVIIIe et un remarquable pavement en majolique.
Nous y visitons également un moulin à huile installé sous terre. L’huile d’olive avait une
telle valeur que les ouvriers travaillant à son extraction restaient enfermés sous terre tout le temps de la récolte et de la transformation. Les familles les nourrissaient en faisant passer des provisions par un trou dans le plafond ! Après un excellent déjeuner de poisson, nous partons pour les deux dernières destinations de notre voyage : Galatina et Nardo.
Galatina est une petite ville tranquille qui, en été, doit être écrasée de soleil ! Nous entrons dans la cathédrale Santa Catarina d’Alessandria. L’église abrite un cycle de fresques qui évoquent le chef-d’oeuvre de Giotto à Assise. Plusieurs thèmes y sont abordés : l’Apocalypse, la Genèse, le Nouveau Testament et la vie de Sainte Catherine.
Et nous finissons par un petit musée surprenant : le musée du tarentisme. Qu’es aco ? C’est une maladie nerveuse qui fut très commune dans les Pouilles et que l’on attribuait à la piqûre de la tarentule. C’était probablement une affection hystériforme apparentée à la chorée. Elle était caractérisée par une succession d’accès de dépression et d’excitation pendant lesquels les malades étaient pris d’une envie de danser. Elle était contagieuse et la vue d’un malade en crise la déclenchait chez les spectateurs. On la traitait par la musique, la tarentelle, et la guérison survenait au bout de quelques jours. Bizarre, bizarre !! Et nous terminons notre séjour à Nardo : promenade révision du baroque : arcs, balcons, loggias, portails sculptés ; nos dernières façades d’églises jésuites et le voyage entre des oliveraies millénaires.