
En ce 11 juin ensoleillé, nous voilà partis, encore une fois, pour l’Espagne, mais ce coup-ci, vers la côte atlantique en passant par Saint-Jacques de Compostelle.
Après quelques kilomètres d’autoroute, nous arrivons à Pampelune. C’est sur le site d’un village vascon, Iruna (= la ville), que le général romain Pompée fonda, en 700 av. JC, la cité de Pompaleao.
Au 10ème siècle, Pampelune devient la capitale de la Navarre, gouvernée par ses évêques. Dans les vieux quartiers, il y a les faubourgs de San Cernin, peuplés par des émigrants de la région de Toulouse. Voilà pourquoi nous retrouvons ici Saint Sernin ! Après des siècles de luttes intestines, Pampelune obtient, en 1979, un statut d’autonomie. Elle conserve une administration issue directement des privilèges médiévaux et peut ainsi se prévaloir d’une identité bien marquée.
Nous nous arrêtons d’abord sur la Plaza del Castillo, autrefois place d’armes du vieux château. C’est sur cette place bordée d’immeubles à arcades du 18ème que nous allons déjeuner à l’«Iruna », légendaire café Belle Epoque, l’un des plus anciens d’Europe. Ce restaurant a été rendu célèbre par Hemingway qui y écrivit certains de ses romans dont « Le soleil se lève aussi ».


L’après-midi, nous nous dirigeons vers la Plaza de Toros en suivant le chemin emprunté par les taureaux lors des fêtes de Saint Fermin, le patron de la Navarre. Lors de ces fêtes a lieu l’Enciero qui se déroule ainsi : le matin à 8 heures, on tire un pétard du clocher de San Cernin. Six taureaux, entourés de six bœufs, quittent leur enclos et se dirigent vers les arènes par la Cuesta de Santo Domingo et la calle Estafeta : 825 mètres courus en 3 minutes ! Les « mozos », garçons vêtus de blanc avec béret, foulard et ceinture rouges courent devant (à leurs risques et périls !). Puis, les six taureaux arrivent enfin aux arènes où ils attendent jusqu’à 17 heures, heure de la corrida où officieront trois toreros.
Nous avons, bien entendu, visité cette arène, la troisième plus grande du monde après celles de Mexico et de Madrid. Là, notre guide a déposé une cape, une muleta et une épée (en plastique) et je me suis dévouée pour faire le clown, ou plutôt le toréador !12 juin : en route pour Burgos, en passant par Olite et Logrono. Nous nous arrêtons d’abord à Olite. Et c’est drôle de se dire que nous commençons notre périple là où s’était achevé celui de l’année dernière.

Olite, la « ville gothique », vit dans l’ombre d’un château si démesuré qu’il a l’allure et les dimensions d’une cité médiévale. Elle fut la résidence de prédilection des rois de Navarre au 15ème siècle.
Nous visitons le Palacio Real. Le château se compose de deux éléments : le vieux palais, transformé en hôtel, et le nouveau palais construit à partir de 1399 par Charles III le Noble. Derrière la quinzaine de tours qui renforcent l’enceinte, s’étendent des jardins suspendus, lieux magiques d’où on voit au loin le paysage de champs. Les salles sont illuminées par un décor d’azulejos, de stucs peints et de plafonds à marqueterie polychrome.
L’église Saint-Pierre est la plus ancienne de la ville, du 12ème siècle. Le linteau du portail est orné de scènes de la vie de Saint-Pierre, et nous pouvons encore y voir des restes de polychromie.
Puis nous allons déjeuner à Logroño, capitale de la Rioja. La Rioja est une riche région viticole qui produit des vins renommés. Je les connais bien, non parce que j’y ai goûté, mais parce que je les rencontre souvent dans les mots croisés !
Nous passons devant l’église Santiago el Real avec son portail en forme d’arc de triomphe datant du 17ème siècle. La façade en est couronnée par une sculpture représentant Santiago « matamoro » : Saint-Jacques tuant les Mores en 1663.
Devant la co-cathédrale Santa Maria la Redonda, dont la construction date de 1435, nous sommes frappés par la puissance de ses deux tours jumelles baroques. La porte principale est bâtie sous la forme d’un grand retable du 18ème à l’imagerie d’albâtre.
En nous dirigeant vers le musée de la Rioja, nous nous arrêtons devant l’église de San Bartolomé avec sa grande porte à archivoltes pointues. Cette œuvre gothique des 13ème et 14ème siècles nous rappelle la vie de San Bartolomé. Là je me souviens de la statue dans la cathédrale de Milan, où on voit le saint portant comme un manteau sa peau que l’on vient de lui prélever…


Le musée de la Rioja nous permet d’admirer des sculptures romanes, des retables gothiques et des peintures allant de Dürer à Picasso.
En repartant vers le car, nous passons par des rues aux maisons à façades aristocratiques sans oublier la calle Laurel, célèbre pour ses bars à tapas et à vin.
13 juin : troisième étape de Burgos à León.
Nous entrons dans Burgos par la porte Santa Maria. Cette porte crénelée du 14ème a été modifiée au 16ème. Elle montre en façade les grands personnages de Burgos : en bas Diego Porcelos Rodriguez et en haut Fervian Gonzales et le Cid tiennent compagnie à Charles Quint.
Parlons un peu du Cid. Qui ne se souvient pas de la pièce de Corneille apprise au collège ou de Gérard Philippe jouant à Avignon ? Le Cid (1043-1095) a donc vraiment existé ! Voici son histoire (en partie…) : après avoir servi les rois de Castille Sancho II et Alphonse VI, il entre au service du souverain maure de Saragosse. Puis il se réconcilie avec son ancien suzerain et combat pour lui. Riche et craint par ses ennemis, il meurt en 1099. Son épouse Chimène résiste encore trois ans dans Valence assiégée par les Maures, mais s’enfuit en Castille après l’incendie de la ville. En 1921, les cendres des deux époux sont transportées dans la cathédrale de Burgos. La légende n’a pas retenu le caractère obscur du condottiere et de l’opportuniste. Au contraire, l’épopée a exalté la bravoure du héros, son rôle de « champion » (campeador) de l’hégémonie castillane.


La cathédrale a su adapter le style flamboyant venu de France et d’Allemagne à l’exubérance du style décoratif espagnol. Elle est ainsi devenue un musée de la sculpture gothique européenne. Sa construction se fit en deux étapes correspondant à deux styles gothiques : au 13ème siècle, nefs et portails sous l’influence du gothique français et au 15ème, flèches de la façade, chapelle du Connétable avec le renouveau du gothique flamboyant dans l’art local imprégné d’arabesques mudéjares. On entre par le portail du Sarmental : ses voussures illustrent la cour céleste, on y voit les quatre évangélistes écrivant sur des tréteaux. La construction du cloître a lieu entre-temps, au 14ème siècle. Ses galeries gothiques montrent des chapiteaux ornés d’un magnifique bestiaire médiéval. Dans l’ancienne chapelle de Santiago, le musée offre un vaste panorama de peintures et orfèvreries des 15ème et 16ème siècles.
Nous avons eu droit à un excellent déjeuner au monastère San Zoilo, monastère qui fut reconstruit à la Renaissance.
BURGOS
Nous partons vers León en longeant le chemin de Saint-Jacques et nous apercevons de nombreux champs de coquelicots. A mon avis, on cultive le coquelicot en raison de ses vertus lénitives. N’oublions pas que c’est une sorte de pavot et que sa tisane est relaxante (je le sais, car je l’ai testée !).


Entrons maintenant dans la cathédrale de Leon. Erigée au milieu du 13ème jusqu’à la fin du 14ème, elle est la seule d’Espagne à avoir adopté le style gothique français aussi bien dans son plan (proche de celui de Reims), son élévation (équivalente à Chartres et à Amiens) que dans la conception de ses vitraux. Sur une surface de 1700 mètres carrés en 125 panneaux et 57 médaillons, ils illustrent trois grands thèmes : en bas, le règne végétal et minéral, derrière le triforium des personnages civils et des blasons et sur les fenêtres hautes, la théorie des bienheureux.
Plus loin, la façade du monastère de San Marco se déploie sur une centaine de mètres. Les médaillons en haut-relief reproduisent les traits de quelques grands personnages de la Bible, de Rome ou d’Espagne : Lucrèce et Judith entourent Isabelle la Catholique. Au-dessus du portail central, Saint-Jacques terrasse le Maure.
Et nous finissons notre visite devant la Casa Botines, bâtiment aux allures de château de la Belle au Bois Dormant dû à Gaudi et construit en 1892 en seulement dix mois !
LEON
14 juin : direction Santiago en passant par Astorga et O’Cebreiro.
A Astorga, sur la cathédrale de style gothique flamboyant, les bas-reliefs illustrent certains épisodes marquants de la vie du Christ. A côté, bâti à l’aide de matériaux régionaux se dresse une version moderniste du palais médiéval née en 1899 de l’imagination de Gaudi.
Nous grimpons alors vers le col de Piedrafita. Ce sera la seule fois du voyage où nous aurons de la pluie et où il fera quelque peu frisquet. Le long de la route, nous pouvons apercevoir des « borreos », sortes de cabanes silos sur pilotis.
Et nous sommes à O’Cebreiro à 1300 m d’altitude. Ses « pallozas », curieuses maisons ovoïdales en pierre sèche au toit recouvert de chaume, rappellent les huttes celtiques. Elles constituent aujourd’hui un musée ethnographique et nous y avons dégusté une excellente cuisine roborative…
La petite église préromane du 9ème siècle nous raconte une histoire. Au 14ème, un habitant d’un village de la vallée vint assister à la messe d’O’Cebreiro en dépit du mauvais temps. En le voyant, le prêtre pensa : « Quelle folie que de risquer sa vie pour venir voir un peu de pain et de vin ! ». Mais alors qu’il donnait la communion, le pain se changea en chair et le vin en sang. Les reliques sont conservées dans des ampoules d’argent offertes par Isabelle la Catholique, et exposées avec le calice et la patène du miracle.
O’CEIBRERO
15 juin : halte à Saint-Jacques de Compostelle. Avec ses 96 000 habitants, Santiago est la troisième plus grande ville de pèlerinage chrétien après Jérusalem et Rome. La cité est animée par les étudiants, les touristes et les pèlerins. C’est une ville Renaissance, baroque et néoclassique avec ses rues pavées bordées d’arcades des quartiers anciens, mais c’est aussi une ville moderne aux